Issu d’une famille de musiciens établis en Thuringe depuis deux siècles et qui se perpétuera jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il est de bonne heure orphelin. Il fait ses études à Ohrdruf, puis à Lüneburg, en Allemagne du Nord. S’il ne fréquente pas l’université, il développe sa culture classique et, surtout, s’adonne très tôt à la musique avec la plus grande ardeur : il apprend le violon, le clavecin, puis l’orgue et la composition, surtout en autodidacte, manifestant une inlassable curiosité pour tous les interprètes et compositeurs qu’il lui est donné d’entendre et dont les partitions peuvent lui passer entre les mains.
Très jeune, sa maîtrise à l’orgue lui vaut ses premiers postes. À Arnstadt, de 1703 à 1707, organiste à l’Église neuve, il s’est déjà familiarisé avec les organistes-compositeurs des Flandres et de l’Allemagne du Nord, et les maîtres français. Organiste à l’église Saint-Blaise de Mühlhausen, en 1707-1708, il s’y affirme également comme un expert en facture d’orgues, qualité qui lui sera unanimement reconnue jusqu’à la fin de ses jours, et écrit ses premières cantates. De 1708 à 1717, il occupe à la cour de Weimar le poste d’organiste de la Chapelle ducale et de musicien de la Chambre. Période faste – celle, aussi, de son premier mariage, des premières naissances –, c’est alors que se développe sa réputation d’incomparable virtuose, d’expert exigeant, de pédagogue et de compositeur de la plus haute qualité.
Un certain nombre, sinon la totalité, des cantates écrites durant les dernières années passées à Weimar seront reprises à Leipzig. C’est à Weimar encore qu’il découvre et adopte l’art des Italiens, que se mûrit une technique de compositeur dans laquelle il entreprend une vaste et originale synthèse des styles de son temps. Et c’est surtout de Weimar que date une grande partie de ses œuvres pour orgue. De 1717 à 1723, il sera le Konzertmeister de la petite cour de Cothen (Köthen), où le prince Léopold attire les meilleurs instrumentistes. En cette cour calviniste, le musicien n’aura pas de fonction d’organiste, mais composera de nombreuses œuvres de musique instrumentale s’intéressant toujours de plus près aux questions de lutherie et de facture. En 1723, il devient cantor de Saint-Thomas et Director Musices de la ville de Leipzig, l’un des postes les plus importants de l’Allemagne après celui de Hambourg, où officie son ami Telemann. Là, s’il n’occupe pas d’emploi d’organiste, il a à enseigner la musique aux élèves de l’école, à gérer entièrement la musique dans les quatre églises principales de la ville et à l’université (c’est-à-dire à écrire ou choisir les œuvres, en trouver et former les exécutants, à les faire répéter, etc.). Tâche écrasante, qui va se manifester d’abord par la constitution d’un répertoire de quelque trois cents cantates, puis par son activité d’animateur du Collegium Musicum, orchestre d’étudiants donnant un concert par semaine, et comme pédagogue.
Peu à peu, le compositeur travaille davantage ses œuvres nouvelles, les mettant au point en vue de la publication, il reprend des œuvres anciennes pour les parachever, et, les dernières années de sa vie, s’absorbe dans la spéculation intellectuelle, échafaudant un véritable testament dans les grands domaines où il s’est illustré : le contrepoint avec L’Art de la fugue, le canon avec l’Offrande musicale et les Variations canoniques pour orgue, l’oratorio avec le Credo de la Messe en si mineur, la variation avec les Variations Goldberg, le prélude et fugue avec le deuxième Livre du Clavier bien tempéré.
Après sa mort, il ne tombera pas dans l’oubli qu’ont connu ses contemporains. Un réseau d’enfants, de disciples, d’élèves et d’admirateurs se communiquera des copies de partitions et perpétuera un art que cultiveront plus tard Mozart, Beethoven et Mendelssohn.
Extrait du « Guide de la musique d’orgue » de Gilles Cantagrel.
L’œuvre pour orgue de Bach est essentiellement liée à la pratique de la liturgie et à sa foi luthérienne. Lui-même a été employé comme organiste d’église ou de chapelle. Fonctionnaire du culte, il a donc eu à accompagner chants et instruments, et à exécuter de nombreuses partitions ; mais, compositeur dans l’âme, il a surtout pu créer des œuvres pour son propre usage, des œuvres qui convinssent à sa sensibilité personnelle, à ses exigences de musicien et de croyant, et à ses ressources d’exécutant virtuose.